épisode 8 : les années préalables

Le premier noyau de copains est issu du lycée avec comme point fédérateur le club de foot des Croisés de St André, en cadets.

Outre Patrik "le Gros" qui m'y a amené, il y a Jean-Louis "Zize",
Guy puis Robert qui a un an de plus et qui joue gardien de but en
junior.

debout de g. à d. : Philippe (2e), Patrik (3e), Jean-Louis (5e)
accroupi : Guy, 2e à partir de la droite








Cette année-là, nous raflons les trois coupes régionales, dont la coupe de l'Union basque.
Je joue arrière latéral, Jean-Louis en milieu,
Patrik comme libéro.





Comme supporteurs constants et acharnés, il y a Mathu, le père de Josette, le mien et celui de Guy,
qui nous accompagnent dans nos déplacements extra-départementaux.








Lors des sorties à la plage, notre groupe s'élargit et s'ouvre aux copines. Notre lieu
de prédilection est la plage de la Chambre d'Amour qui, même par forte marée, réserve une immense aire sablonneuse.









Le mur de pierre (1 000 mètres de long et 4 mètres de haut) disparaîtra en 1969 suite au positionnement de la digue nord du Boucau et au dragage constant de l'embouchure de l'Adour. Pour les mêmes raisons, il faudra procéder à la destruction de l'hôtel Marinela.                                                                     







Cette érosion, aggravée par la main de l'homme malgré les avertissements des caboteurs et pêcheurs locaux, a durablement défiguré les immenses plages d'Anglet et aurait pu avoir également des conséquences néfastes pour la Grande plage de Biarritz si l'anse ne l'avait pas protégée. Depuis, le littoral continue à avoir besoin des opérations de clapage par l'apport de sable issu du dragage de l'entrée du port de Bayonne.

Chez les courtiers maritimes

Pour les deux mois d'été de l'année 1967, je suis pris chez les courtiers maritimes Forgues & Duverdier. Je découvre le monde des quais portuaires, des dockers, de la marine marchande. Je suis systémati-quement dehors, fais les navettes pour porter les manifestes, vérifier les taxes portuaires, contrôler les chargements.
A cause des forts courants et des particularités du chenal - haut fonds, épaves des deux bateaux coulés par les Allemands, mouvements des pontons-grues -, l'assistance d'un pilote du port qui monte à bord est nécessaire.
J'ai l'occasion de grimper sur un navire depuis le remorqueur. Il se positionne sur le flanc du bateau et je dois me hisser le long de la coque par l'échelle de corde et de bois (la photo illustre l'exercice). Bien des années plus tard, je serai soumis au même genre d'acrobatie lorsque je monterai à bord des plateformes de forage depuis les surfeurs (bateaux de liaison).

L'activité est intense, la pause de la demi-journée est souvent rapide.
Et il arrive qu'un navire, annoncé à telle heure, soit retardé à cause
de la marée, de l'entrée dans le chenal par forte houle. S'il aborde à vingt heures, il faut y être. Ce boulot est passionnant, je pratique l'anglais, je deviens de plus en plus autonome. A la fin des deux mois, je peux rembourser le prix de la mobylette que mes parents m'ont achetée par anticipation.

Avec la bande, nous devenons plus mobiles car certains ont passé le permis et ont une voiture. Nous pouvons élargir le périmètre des sorties et San Sebastian nous attire.






Direction le funiculaire pour gravir le Monte Igueldo.
        

















Plage de la Concha : repos après l'ascension.







Le printemps 1968


Le bouillonnement étudiant prend corps au quartier latin et rassemble pêle-mêle les manifestants virulents contre la guerre menée au Viêt-Nam par les Etats-Unis, les partisans du printemps de Prague
qui a secoué le bloc communiste au mois d'avril et les anars, ravis de toute aubaine pour semer le trouble et la terreur. Au lycée, les velléités d'autogestion des cours sont vite balayées par les tenants de la grève et les orateurs dogmatiques venus de l'extérieur. Avec la bande, nous prenons un certain recul vis-à-vis d'événements qui rencontrent l'hostilité des partis politiques de gauche et des syndicats, seuls déten-teurs des mobilisations et des mots d'ordre au nom de la lutte des classes.


Jo, Patrik, Philippe, Jean-Louis

Nous pratiquons la plage sans les pavés et nous nous passionnons davantage pour la musique issue du mouvement hippie.


Les Beatles étant mes idoles depuis leurs premiers disques, nous nous passons en boucle les titres de leur album "Sergent Pepper's lonely hearts club band". Ces années sont marquées par le raccourcissement des jupes et la libération des seins, l'arrivée de la pilule, l'usage des substances hallucinogènes, l'éclaboussement des couleurs et la customisation des jeans et autres vêtements.
Des titres fulgurent tels Days of Pearly Spencer, Nights in white satin, Rain and tears, Let's go to San Francisco, Eloïse, What a Wonderful World, On the road gain - autant de chansons sur lesquelles nous dansons dans les boums ou en boîte. Sans renier pour autant le rock, le twist, le madison, le jerk. 
La discipline scolaire se relâche, les filles quittent les tabliers à carreaux vichy, les pantalons fleurissent, la cigarette envahit les pauses entre les cours. Nous pouvons sortir de l'établissement entre midi et la reprise des cours à 14 heures. Nous nous retrouvons tous Chez Tony, un bistrot à deux pas du lycée, pour y disputer de mémorables parties de tarot et de baby-foot avec pour enjeu la tournée de cafés.
A Pâques, nous investissons les foires sur l'esplanade des allées Paulmy. Nos attractions préférées sont les autos tamponneuses, la roue horizontale aux sièges suspendus à des chaînes et la pêche aux objets de loterie. 

La préparation militaire

Mon père parle d'héritage militaire lorsque je l'informe de mon désir de postuler à la préparation militaire supérieure et de faire mon service dans une unité parachutiste. Moi, j'ai seulement envie de rendre cette période utile. Déjà que je vais perdre une année par rapport à ceux de ma génération qui seront dispensés du service national et qui entreront plus tôt dans la vie active, autant que ce soit nouveau, instructif et profitable.
Du 30 août au 12 septembre 1971, je séjourne à l'Ecole des Troupes aéroportées de Pau.  La route qui nous mène à la Base longe la zone où un Noratlas s'est écrasé le 30 juillet précédent, entraînant la mort de trente-sept parachutistes.


source : Chemin de mémoire des parachutistes




















Je sais que c'est en sautant de ce type d'avion que je serai breveté et je ne suis pas fier. Comme dit la prière des paras que l'on apprend le premier jour, "Je ne Vous demande pas le repos, ni la tranquillité, ni celle de l'âme, ni celle du corps". Suivie de cette affirmation du s/officier instructeur : "votre instruction a pour but de vous donner tous les comportements et réflexes indispensables à votre survie."
crédit photo : Jacky
C'est muni de ce viatique réconfortant que j'aborde la période d'entraînement.











Simulation d'arrivée au sol depuis la tour



opérations de pliage et de séchage des parachutes
crédit photo : Chemin de mémoire


Afin de nous confronter à la réalité, on nous emmène assister au pliage des parachutes. Ce sont des appelés qui opèrent dans l'immense hangar de la SEPP (section d'entretien et de pliage des parachutes). Le pliage doit être effectué en 35 mn maxi. A la fin de l'opération, le plieur insère la fiche individuelle qui comporte la date, le numéro de poste, son identité.  
                                                                                       


Au bout de huit jours d'entraînement intensif, nous allons enfin sauter : montée dans les bus direction la zone de rassemblement, perception des para-chutes, alignement des faisceaux, équipement, vérification, embarquement.






Dans la carlingue, le chef-largueur
crédit photo : Jacky
nous fait signe d'accrocher la SOA (sangle d'ouverture automatique). Le stick se met debout et se resserre pour enchaîner les sorties. Pouce levé du chef-largueur, la lumière passe du rouge au vert, la sonne-rie stridente donne le signal du saut : GO... GO... GO. Je prends la gifle à la sortie de la porte, je pars jambes en avant dos à l'horizontale, j'encaisse la secousse violente lorsque la sangle délivre le parachute, balancements, stabilisation... quand il n'y a pas de vent. Vérifications de la voilure, regard alentour et vers le bas pour se positionner par rapport aux autres afin d'éviter un télescopage ou de perdre la portance quand on se trouve juste au-dessus d'un camarade.






Je profite de quelques secondes d'apesanteur, j'entends seulement le sifflement du vent dans la voilure. Je me prépare à toucher le sol. Contact rude, petit roulé-boulé, vite me relever pour rassembler et rouler la toile, enrouler les suspentes. Pur moment d'exultation. Après le vacarme dans la carlingue, la sonnerie, l'impact dans le ciel, j'éprouve un sentiment d'apaise-ment. Pendant que je replie le tout, je lève la tête pour regarder les autres et visualiser comment je suis sorti.




Demain, c'est le saut avec déploiement du parachute ventral. Au moment de son ouverture, il s'agit d'éviter de se prendre les suspentes sur la figure ou qu'il s'entortille autour du parachute principal ouvert.



Là c'est la torche et des dégâts sérieux à l'arrivée.










  J'ai effectué quatre sauts, je suis breveté prémilitaire.  Lors de mon incorporation,       je pourrai choisir mon   affectation et, élément non négligeable, percevoir la  solde    de l'air dès mon incorporation.

La fin de l'adolescence

Comme chaque été, mes parents et leurs amis - le Dab, Pilou, Pierrette, Mimi, Albert - organisent leur soirée méchoui dans le restaurant "Le Marabah" tenu par un couple pied-noir.

L'opération nécessite le choix d'un beau mouton (c'est mon père qui s'en charge) et la mobilisation du même cuisinier harki. Nous sommes une bonne trentaine de convives.
Les Boulaouane, Sidi-Saâd et Sidi-Brahim coulent à flots, les senteurs de viande et les odeurs d'épices me renvoient à Ouargla.
Installés sur les poufs ou des banquettes autour de grands plateaux de semoule, de salade méchouia, de brochettes de mel'fouf, on parle fort, s'interpelle, s'envoie des vannes. Les verres ne sont jamais vides.





Fin août, nous allons en famille faire une balade à San Sebastian (Donosti en basque).


Auparavant, nous avons longé la côte escarpée et plongé sur les ports de Pasajes (province du Gipuzcoa), Lekeitio et Ondarroa (province de Biskaia). Le fondateur, en 1895, du nationalisme basque Sabino Arana Goiri est originaire de cette dernière province. Il créa le terme Euzkadi pour fédérer la nation basque de part et d'autre des Pyrénées et fonda avec son frère Luis
le symbole sans lequel une nation n'existe pas : le drapeau ou Ikurrina. Ils ont pris pour modèle l'Union Jack car la Biscaye avait une longue tradition d'échanges commerciaux avec le Royaume Uni et que celui-ci était alors la première puissance économique.
Symbolique : la croix de St André rappelle la victoire des Biscayens contre les Castillans pour défendre leur autonomie, sa couleur verte évoque le chêne de Gernika ; la religion catholique est représentée par la croix blanche ; le fond
rouge figure le peuple basque.


retour à l'épisode précédent : épisode 7  de Saint-Esprit à Marracq, les quartiers de jeunesse

à suivre, épisode 9 :  Université et conscription

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