épisode 22 : Afrique du Sud - Garden route de Swellendam à Plettenberg bay


Nous atteignons Swellendam, porte de la "route des jardins", vers 17 heures dans l'après-midi du jeudi 29 octobre 1998. Il est une particularité notable, du moins dans cette zone que nous parcourons en voiture depuis Le Cap : il n'existe aucune station-service entre les villes, ni d'ailleurs aucun panneau d'annonce quel qu'il soit qui vient polluer le paysage. Moyennant quoi, il est recom-mandé de veiller au contenu du réservoir d'essence en tenant compte du kilométrage à effectuer entre deux destinations. Ajoutez-y une carte routière fantaisiste et vous aurez une idée de notre périple pour chercher l'hôtel Klippe Rivier à Swellendam.
Nous parcourons la rue principale Voortrek street dans un aller-retour aussi lent que dubitatif : aucun panneau pour indiquer le chemin de notre lodge. A la sortie des vêpres, nous recueillons de la part d'un groupe de paroissiennes l'instruction de faire demi-tour et de prendre tout droit au-delà de l'en-trée de la ville, de franchir un petit pont et de tourner à gauche, sans une mention même approxi-mative de la distance. C'est à la nuit tombante et au détour d'un chemin improbable que nous repérons un piquet sur lequel est clouée une planche en bois indiquant la direction de notre refuge. Soulagement salutaire et levée d'inquiétude pour nos hôtes.

Drostdy museum

A l'instar des autres villes, nous commençons par
la visite du musée local qui apporte toujours des éléments sur les origines et les traditions : édifi-cation, propriétaires, usage, transformations. La bâtisse fut édifiée au milieu du XVIIIe siècle par la Compagnie hollandaise des Indes orientales pour servir de résidence à usage du maire dont le rôle était confondu avec celui de représentant de la Compagnie. Brique crue et argile constituent les matériaux de construction. Le bois de santal est utilisé pour la charpente et les planchers tandis que la menuiserie et l'ameublement sont façonnés dans le bois d'oréodaphné (stinkwood).

Il englobe la roseraie de Mayville dont le jardin fut rattaché à Drostdy et dédié à la culture de plusieurs variétés de roses selon les volontés exprimées par la donatrice Mme Steyn. S'y trouvent également la réplique exacte et en état de marche du moulin à eau afin de moudre le grain des récoltes des champs alentours ainsi que la ferme Zanddrift qui a été démantelée, déplacée de son lieu d'origine (Drew) et entièrement reconstituée selon les métho-des d'antan.

Nous sommes désormais entrés dans le district de l'Overberg et avons basculé du côté de l'océan Indien. Ici, le courant chaud des Agulhas autorise des températures de l'ordre de 5 à 6 degrés plus élevées que côté atlantique.

L'épopée de Bartolomeu Dias

Nous traversons d'immenses étendues sylvestres entre plaines et montagnes bordées par le littoral sauvage de falaises et de plages. La nationale 2 nous mène jusqu'à Mossel bay, lieu où débarqua en 1487 le navigateur portugais Bartolomeu Dias.
Nous entrons de plain-pied dans le contexte historique de l'époque. En effet, du fait de l'activisme des Turcs qui mettaient en coupe réglée, depuis leur prise de Constantinople, toutes les caravanes qui empruntaient la route terrestre de la soie, le roi Jean II du Portugal avait demandé à Dias de rechercher la route maritime permettant de s'affranchir de la tutelle ottomane.

Dias ouvre donc cette voie maritime. C'est lors d'un deuxième voyage avec l'expédition de Pedro Cabral au Brésil que, sur le chemin du retour, une violente tempête coule son navire alors qu'il double le Cap de Bonne-Espérance. Il périt noyé. Un monument lui est dédié à Mossel bay devenue l'escale de ravitaillement obligée en remontant vers l'Atlantique.
Un hommage maritime lui a été rendu par le Portugal en 1987-1988 avec la construction de la réplique de sa caravelle qui est conservée dans le musée de la cité balnéaire après un périple de trois mois depuis Lisbonne. N'ayant pas les plans originaux, ceux-ci ont été élaborés à partir de schémas des bateaux côtiers de l'Algarve du XVe siècle. Le financement a été assuré par des dons privés dont la majorité venait des Portugais installés en Afrique du Sud.

Caractéristiques : 23,5 mètres de long ; 6,62 m de largeur maximale ; déplacement de 130 tonnes dont 37 de ballast ; deux mâts ; 17 marins.


  
Nous n'en admirons que davantage ces navigateurs portés par l'esprit d'aventure et la foi en leur mission religieuse et marchande qui requiert audace, courage, persévérance et un supplément de conviction sans lequel un sacrifice reste un effort vain.

  
En 1500, un des marins portugais rescapé d'un naufrage a 
déposé dans une botte une lettre à destination des siens restés au Portugal. Cette botte accrochée à un arbre est devenue source d'un rite postal que les marins successifs se faisaient un devoir de respecter en ramassant et en rapportant ainsi ces courriers dans leur pays.
L'arbre - milkwood - est classé Monument national et les lettres et cartes bénéficient d'une oblitération spéciale. Nous sacrifions à l'usage.


Alors que nous nous promenons en surplomb de la plage, notre attention est attirée par la toiture entièrement en zinc d'une construction à l'architec-ture qui mêle l'art déco au baroque. Cela m'évoque instantanément l'idée que ce bâtiment pourrait faire partie du village de Portmeirion au Pays de Galles qui a servi de fabuleux décor à la série télévisée "Le Prisonnier" (créée à la fin des années 60). Il est situé au bord de l'eau qui semble se prolonger à l'infini, il y a l'étendue de sable... il ne manque que le "rôdeur", la bulle fantastique et inquiétante qui surgit de la mer pour empêcher toute tentative d'évasion. J'en souris intérieurement : il m'arrive d'imaginer des associations d'idées "pas si farfelues que ça" me susurre mon subconscient.

Le Baron de la plume

Nous décidons de traverser la région semi-désertique du petit Karoo en remontant vers le nord, destina-tion la ville d'Oudtshoorn.


C'est le royaume de la plume d'autruche. Aux XIXe et début du XXe siècle, l'industrie de la plume d'autruche est florissante (c'est la 3e après l'exploitation de l'or et du diamant) : il s'agit de fournir les parements utilisés dans la mode et les spectacles. Les couturiers français et les cabarets renommés
sont les principaux clients.

Durant ces années, l'élevage des autruches a atteint les 750 000 individus répartis dans plusieurs centaines de fermes dont la plus célèbre est celle de Max Rose, immigré juif lituanien arrivé vers 1880. Sa réussite est telle qu'il est surnommé le Baron de la plume.



Au premier plan, un peu sur la gauche, nous avons Jacques et Suzy. Suzy est la femelle de premier rang de Jacques. C'est elle qui choisit les femelles de second rang avec lesquelles son mâle pourra s'accoupler les années suivantes.

En route pour Plettenberg bay

Nous reprenons la route dont je maîtrise désormais le sens de circulation et l'accès aux carrefours giratoires. Nous traversons la ville de George qui fut ainsi nommé en hommage au roi d'Angleterre George III puis nous continuons de descendre vers Knysna. 


C'est depuis ce joli port de plaisance que nous embarquons sur le ferry qui nous emmène à la réserve naturelle de Featherbed. Nous abordons sur un ponton situé en bas d'une falaise qu'il va nous falloir gravir par un sentier escarpé.

Nous grimpons tantôt exposés aux très chauds rayons du soleil, tantôt à l'ombre des rochers et de la végétation qui dissimule toute une activité animale : touraco louris, grues bleues, antilopes Duiker, genettes.
Soudain, au détour d'une sente, notre intrusion silencieuse fige un paon au milieu de la lumière mouvante des branchages. Son cou est bleu métallique et sa traîne vert-irisé est ponctuée d'ocelles couleur ocre.
Son regard légèrement tournée vers nous évalue le danger. Nous nous sommes immobilisés instanta-nément. Avec une infinie précaution, je lève mon appareil-photo pour viser l'animal. Je n'ai droit qu'à un seul déclic. Puis, d'un air négligé, il s'enfonce dans les fourrés en balayant le sol de sa traîne.

Encore sous le coup de la rencontre, nous avons la
chance de saisir deux blu cranes dont la curiosité 
reste cependant abritée derrière un grillage. Lorsque
nous reprenons le ferry, nous accusons une fatigue
certaine : les montées en virages, nos détours par
des passages escarpés, l'escalade du piton qui ouvre
sur le panorama de Knysna puis la descente inégale
vers le ponton ont eu raison de notre condition physique.

Je dois cependant me montrer très vigilant sur le trajet pour nous rendre à Pletenberg bay. En cette fin de journée, et compte tenu de l'attrait de ce site touristique, la circulation est dense.
Nous arrivons au Hunter's Country House à la nuit tombée.


retour à l'épisode précédent :  Afrique du Sud - Franschhoek et la route des vins

à suivre, épisode 23 : Afrique du Sud - de Plettenberg bay à Port Elisabeth



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