épisode 33 : Cameroun - rencontres métissées et traditions croisées


Après deux mois de préparation et d'échanges entre Douala et Bayonne, je suis en mesure de proposer un spectacle totalement inédit : la rencontre entre l'ensemble musical camerounais Macase et le groupe basque Ontuak, chants et danses.


La première représentation est prévue se dérouler à Yaoundé, au Centre culturel français "Blaise Cendrars" le 27 novembre. Sauf que le vol en provenance de Paris a du retard. Je suis en liaison constante avec l'aéroport, je vois la mine défaite du directeur du Centre culturel. Il faut dire que tout un aréopage de ministres, d'ambassa-deurs et excellences, d'invités prestigieux a pris place dans la salle comble. Dans les coulisses, je guette l'arrivée de mes compatriotes : 
brouhaha opportunément couvert par une interprétation de la chanteuse camerounaise,
les voilà !

Sur un signe que j'adresse à Serge, le leader de Macase, il m'introduit sur un solo de guitare pour présenter les deux groupes.








Les danseurs exécutent des sauts basques à base de jetés et d'entrechats.

Viennent ensuite les danses souletines recon-naissables aux vêtements caractéristiques de cette province Basque (la Soule) : vestes chamarrées, pantalons brodés qui s'arrêtent juste en dessous des genoux, grosses chaus-settes de laine striées, béret à pompons, rubans et clochettes, espadrilles au savant laçage. Et le bâton tenu par le txerrero (veste rouge à plastron blanc) dont l'extrémité se termine par une queue de cheval évoque, pour les Camerounais, le chasse-mouches du dignitaire africain.

La soirée à Douala

La salle du Saint John's Plaza est tendue de dais verts et rouges tout le long du plafond, conférant au lieu l'évocation des rues pavoisées de Bayonne pendant les fêtes.


Nous recevons une hôte de marque, la professeure Françoise Barré-Sinoussi, lauréate du prix Nobel de médecine pour avoir découvert en 2008, au sein de l'équipe du professeur Montagnier, le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) à l'origine du sida : "Outre mon affection envers votre continent, voyez en ma présence ce soir mon attachement au combat contre le sida. Nous devons en tirer les leçons pour nous attaquer au virus Ebola sans la panique qui ne constitue jamais une alliée lorsqu'il s'agit de parer une épidémie virale".


L'aubade lui est dédiée ainsi qu'au directeur général vêtu du boubou traditionnel blanc. 


















Puis l'hôtesse convie Gorka à remettre le makhila, confectionné grâce aux mensurations que j'avais obtenues du couturier local, au directeur général


auquel il confie la devise : Aditzen duen gizon zuzena sustraiak partikatzeko (un homme droit et d'écoute qui partage ses racines) : "J'ai l'honneur de vous remettre ce symbole du Pays basque qui qualifie l'âme et le caractère de la personne qui le reçoit".




Le troisième hommage concerne - à sa très grande surprise - l'un des chanteurs dont l'enfance s'est déroulée à Douala. Et c'est ainsi que Hervé "Fifi" est appelé sur scène sous l'accompagnement musical et l'ovation de ses amis d'Ontuak.



Un chef spirituel sawa le ceint du pagne de soie moirée et le coiffe de la toque en raphia ornée de la plume de guêpier noir.  C'est la tenue tradition-nelle des sages du Peuple de l'eau (voir l'épisode 32 - le Ngondo).






Macase produit son tour de chant et de danses dans son registre de "Bantou groove", mélange de jazz et de soul. Les fans profitent de ce moment qu'elles attendaient avec frénésie... et impatience depuis l'annonce de leur venue.


C'est au tour des danseurs et danseuses basques auxquels je me joins après m'être habillé conformément à la tradition. Mon entrée suscite une énorme surprise, ma participation ayant été tenue secrète. Le groupe m'avait averti qu'il interprèterait, entre autres, le carnaval de Lanz.




Cette danse est originaire du village de Lantz
dans la province de la Navarre. Elle avait été interdite durant la dictature franquiste. Elle fait aujourd'hui partie des principales danses que
l'on voit pendant les fêtes et sur les places des villes et des villages. 



Macase et Ontuak se mélangent à l'orchestre et
en pas de danse sur la scène pour interpréter le bikutsi. Cette danse d'origine Beti a été inventée par les femmes comme moyen d'expression dans la société patriarcale traditionnelle qui leur déniait le droit de parler au Conseil. La mesure étant à 6/8 comme le fandango, les musiciens basques entrent immédiatement dans le rythme.


Sans désemparer, les musiciens enchaînent avec le Kaskarot dantza dont la chorégraphie met deux groupes de danseurs face à face, qui s'avancent l'un vers l'autre en pas chas-sés puis font demi-tour et s'éloignent en pas tournants et entrechats.

Le succès est phénoménal et très vite la scène est envahie par la foule déterminée à participer.

La journée à Kribi

Le lendemain, nous nous acheminons vers Kribi. C'est à environ deux cents kilomètres de Douala que se trouve la base de loisirs.


La rénovation de ce village m'avait incombé l'année précédente pour la restauration complète de quatre cases. Mon épouse avait aussi été sollicitée pour choisir les carrelages, faïences, salles de bains, éléments meublants et de décoration.



Le site est empreint de sérénité, les vagues viennent délicieusement mourir en clapots chuintants au pied des cocotiers.

La mangrove est opulente et variée : palétuviers, mangliers rouges, fougères sauvages, phœnix.






Les filets des pêcheurs sèchent à côté des barques creusées dans des troncs d'arbre
par équarrissage à la hache ou à la machette.


Avant de quitter Douala, le groupe a livré des fournitures et des livres scolaires, des dictionnaires à l'orphelinat de Déido. Puis il s'est transporté sur les marchés artisanaux pour aller voir travailler le bois, les tissus, le cuir et visiter les boutiques. Lorsqu'ils arrivent à Kribi tout de blanc vêtus, je les accueille habillé du pagne local.



En démonstration, voici le gatuzain (homme-chat) qui exécute la chorégraphie normée que chaque danseur va produire à tour de rôle.
 



La performance est méritoire car elle est exécutée
à même la terre dont les caractéristiques ne se prêtent pas volontiers aux envolées, pointés et jetés.



Pendant le repas, Ontuak interprète l'aubade devant la table "officielle".




retour à l'épisode précédent :  Cameroun - le Ngondo et le peuple Sawa

à suivre, épisode 34 : pour services éminents - "Honneur et Patrie"



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