épisode 37 : l'entrée dans l'histoire recensée du Groupe
Avec ma trilogie, ce sont 34 années de le vie de la branche Exploration-Production de TotalEnergies qui entrent dans les bibliothèques du Groupe.
Mon premier contact avec le monde pétrolier se passe au Sahara algérien où je rejoins, dans les bagages de ma mère, la ville de Ouargla. Elle vient d'être nommée à la Poste locale et mon père est déjà sur place en tant que méhariste dans la Compagnie saharienne portée des Oasis. A 80 kilomètres vers le sud-est vient d'être découvert le gisement gazier d'Hassi-Messaoud (le "puits de la chance") dont le nom symbolise à la fois la ténacité des géologues français et le grand rêve d'indépendance énergétique de la France.
Car les effets conjugués de la fermeture du canal de Suez - décidée par le président égyptien Nasser - et l'arrêt des livraisons de pétrole par l'oléoduc de l'Irak petroleum company - décidé par les Syriens - ont provoqué une pénurie de carburant en Grande-Bretagne et en France, obligeant cette dernière à distribuer des tickets de rationnement d'essence... comme pendant les années de guerre. Et les quarantenaires de se rendre compte que leurs parents ont connu, dans leur jeunesse, le rationnement d'un produit aujour-d'hui considéré comme "indispensable et vital", à tel point que le gouvernement attribue une prime à certaines familles. Autres temps, autres mœurs.
Un an après notre arrivée en Angola, le Groupe obtient l'octroi par l'Etat angolais du Bloc 17, situé en offshore profond du Golfe de Guinée. Nous remportons le round au nez et à la barbe des Américains pourtant terriblement agressifs sur cette zone. Et ils ont bien raison de l'être car c'est un "éléphant" qui sera mis au jour avec Girassol en 1996 et qui sera suivi par tout un bouquet tout aussi fabuleux : Dalia, Pazflor, Cravo-Lirio-Orquidea-Violetta (CLOV).
Cet épisode est à rapprocher de celui de Frigg dans les années 70 en termes de grande profondeur, d'innovation technique, d'investissements lourds... et de risques.
Ces gisements entreront successivement en production dans la période 2001-2014.
En même temps qu'au Sahara, le Groupe - sous l'appellation de Société des pétroles d'Afrique équatoriale française (Spaefe) - découvre le gisement à terre d'Ozouri, véritable point de départ de l'industrie pétrolière locale. Parmi les principales découvertes en mer viendront
Torpille
Avec le Nigeria s'ouvre à nouveau l'ère des découvertes massives. J'y suis affecté - propulsé serait plus approprié étant donné que je remplace au pied levé le titulaire décédé soudainement quelques temps avant son expatriation - en 2004 pour gréer les Grands projets qui devraient faire de ce pays le premier producteur d'Afrique à l'horizon 2023.
Positionnement des champs (terre et mer) et du train de Gaz naturel liquéfié Bonny LNG :
Les champs pétroliers se situent dans le Delta du Niger où sévissent de nombreuses bandes armées dont les actions (sabotages de pipelines, enlèvements) visent à faire pression sur le pouvoir fédéral pour que la manne pétrolière profite davantage aux communautés du Delta. Cependant, les revendications mêlent ethnisme, banditisme, islamisme et règlements de comptes qui rendent très difficile toute négociation globale.
Dans tous les pays où nous avons successivement séjourné, nous nous sommes toujours intéressés aux traditions, aux croyances, aux comportements et façons de vivre des autochtones, et de les comprendre : ne pas juger, ne rien rejeter mais admettre. De la cérémonie d'initiation du bwiti au Gabon au rituel funéraire en pays bamiléké (Cameroun), le partage de ces valeurs fondamentales établit un socle puissant de connaissances qui nous permettra d'intervenir comme conférenciers lors d'expositions relatives à l'art premier (se reporter à la rubrique : "Art premier : conférences et confidences").
"Qui a une main fermée ne progresse pas" : ce proverbe camerounais, qui oppose le repli sur soi à l'ouverture, l'égoïsme à la générosité, la certitude à l'écoute, symbolise en fait nos séjours en Afrique noire. Dix-sept années - soit la moitié de ma carrière passée dans le Groupe - qui feront dire à mon épouse lors du grand rassemblement de nos familles et amis le 4 août 2012 :
"Auprès de vous, nous avons grandi en mérite et en sagesse, nous avons appris l'écoute et la joie, nous avons élargi notre culture et notre vision".
L'ultime affectation sera à Lacq pour l'accompagnement de la mutation industrielle inédite sur site de par son modèle économique et humain dans le cadre de la cession de l'usine et des concessions pétrolières et gazières du Sud-Ouest et du Bassin parisien.
En 1978, tout juste embauché à la Direction du Personnel et des Relations sociales, j'avais été envoyé faire les 3x8 continus à l'usine, histoire de me familiariser avec les conditions de travail sur le champ de Lacq. Et de me frotter aux organisations syndicales ouvrières sur le terrain.
A ce moment-là, on parlait déjà des limites d'exploitation du gisement et le Plan bleu mis en place donnait toutes les composantes pour accompagner le déclin annoncé à l'horizon 1995. Les techniques de récupération des réserves ont repoussé l'échéance à décembre 2013.
Progressivement, des unités ont été démolies - dont l'unité de thiochimie - et deux des six grandes cheminées qui faisaient partie du paysage de l'usine depuis les années 50 ont été détruites.
Sachant que 97 % - taux de déplétion de la ressource gazière le plus élevé au monde - du gaz a été extrait depuis la découverte de Lacq profond, ce qui a permis à la France de couvrir un tiers de ses besoins énergétiques pendant 50 ans, il restait à choisir entre la continuation de la consommation industrielle pour une durée de vie des 3 % résiduels jusqu'en 2023 ou la fourniture de ce gaz aux industries installées sur la plateforme d'Induslacq pour leur fonctionnement jusqu'en 2030. C'est la deuxième solution qui a été choisie et mise en œuvre par Total, avec son corollaire de réaffectation des 200 personnels restants du Groupe dans les branches exploration-production, gaz, chimie, après l'attrition naturelle et l'application des mesures de départ anticipé en fonction des rythmes de travail et des postes tenus.
Ainsi ce clôt une épopée industrielle qui a vu une profonde mutation du Groupe pétrolier français dans un environnement mondial en perpétuel changement et un contexte énergétique bouleversé par l'évolution de la donne environnementale.
Lors des échanges avec le personnel, il ressort un étonnement (presque) incrédule devant la longévité d'une carrière à l'étranger sans relever des métiers opérationnels, dans des fonctions souvent cumulées de Ressources humaines, HSE (Hygiène-Sécurité/santé-Environnement), Service médical, Sûreté, Services généraux, en famille dans des pays à risques.
Il est clair que ce genre d'opportunités n'est plus d'actualité pour trois raisons essentielles : une motivation "corvéable" qui ne colle plus avec les aspirations d'ancrage de la vie de famille autour des loisirs et des plaisirs, une mobilité de longue durée réduite à la stricte nécessité opérationnelle et tributaire des principes de sûreté, une dilution de l'esprit et de la fierté d'appartenance.
retour à l'épisode précédent - épisode 36 : de sable et de pierres
à suivre épisode 38 : les compagnies méharistes
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Quel parcours aux nombreuses découvertes !
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