épisode 11 : le cycle des possibles - Moyen-Orient


Mes premières fonctions intègrent l'élaboration des budgets de consommation dans nos filiales à l'étranger. Je commence par les pays d'Afrique noire - Gabon, Congo, Nigeria, Cameroun - puis ma zone s'élargit rapidement au Moyen-Orient et à l'Amérique latine. Sachant que, ultérieurement, je serai appelé à m'établir durable-ment à Port-Gentil (deux séjours), en Angola, au Nigeria et au Cameroun, cet épisode est consacré aux autres destinations.

Moyen-Orient

Je me rends d'abord dans le sultanat d'Oman. La capitale Mascate est déjà connue de Ptolémée et de Pline l'Ancien. En provenance de l'aéroport, je parcours une quinzaine de kilomètres sur une route à double voie  magnifiquement asphaltée. 

Le terre-plein central est planté de gazon et de palmiers. Les jardiniers sont tous des étrangers (Pakistanais, Philippins, Indonésiens) qui veillent au parfait entretien de cette verdure. A l'approche
de la cité se révèle au regard la plaine fertile de Batinah.
Elle s'étend sur plus de 300 kilomètres le long de l'Océan Indien. Derrière se trouve le massif monta-gneux du Hajar. L'accroissement exponentiel des revenus pétroliers et gaziers font de la ville un vaste chantier de construction.


crédit photo : Guy Rueda





J'effectue une partie de mon enquête dans le souk de Muttrah. Il donne sur la corniche qui domine le port et le marché aux poissons. Je vais ensuite dans le vieux Mascate où se trouvent les forts al Jalali et al Mirani érigés par les Portugais au XVIe siècle qui veillent sur le golfe d'Oman et, au-delà, sur le détroit d'Ormuz. En face, c'est l'Iran.
  

crédit photo : boogieevents

Je peux flâner en fin d'après-midi le long du port. J'assiste à la manœuvre d'un boutre à voile trapézoïdale et à la poupe carrée. Remontent pêle-mêle les aventures légendaires de Sinbad le marin, le trafic d'armes d'Arthur Rimbaud et les souvenirs de lecture d'Henry de Monfreid.





  

Le drapeau omanais date de 1970 : blanc pour la paix et la prospérité ; le rouge représente la résistance contre les envahisseurs ; le vert est le symbole de la fertilité ;  l'emblème
est le poignard khanjar sur deux épées entrecroisées.

Je débarque à Téhéran quelques jours après le retour triomphal de l'ayatollah Khomeiny en provenance de Neauphle-le-Château. La famille Pahlavi s'est enfuie en Egypte au mois de janvier, accueillie par le président Anouar el-Sadate.


Nous avons trois filiales sur place : la holding Elf Aquitaine Iran et les sociétés de production et d'exploration Sofiran et Segiran. C'est en mer que la société a découvert en1966 deux très importants gisements de gaz : Sirri C et Sirri D.



Compte tenu des conditions de déplacement et de la difficulté du terrain, l'hélicoptère est mis à contribution, notamment pour établir les cartes géologiques des prospects. Où l'on voit que l'opération de ravitaillement en carburant est primaire.
En 1972, mise en évidence de l'un des plus gros gisements de gaz du monde sur le site de Kangan.

Je me réfère à l'Antiquité, avec la dynastie des rois Xerxès, Darius puis Artaxerxès. Nous avions dans une de nos très hautes salles de classe du lycée des reproductions de personnages de la mythologie.


J'étais fasciné par ces reliefs en briques polychromes : archer de la garde de Darius Ier (à droite) et lions ailés hydrocéphales. La langue farsi, d'origine indo-européenne, est particulière dans sa construction, notamment en matière grammaticale : pas de déclinaison et une conjugaison extrêmement simplifiée, il n'existe ni conditionnel, ni subjonctif. Est issu du perse, sous sa forme la plus ancienne dite "iranien avestique", le terme Paradis. Le glissement progressif du vocable initial qui signifie enceinte royale se fait par le grec paradeisos puis par le latin paradisus. Ensuite, sous l'interprétation chrétienne, il devient le symbole du Jardin céleste que l'on retrouve dans les religions abrahamiques.

En ce mois de février 1979, la température est de 5 °C. La chaîne de L'Elbrouz que domine le mont Damavand forme, à une soixantaine de kilomètre de Téhéran,
une superbe barrière neigeuse qui culmine à plus de 5 500 mètres.
Au travers des marchés de Téhéran, je découvre la province du Gilan. C'est une région agricole et arboricole privilégiée située au bord de la mer Caspienne et qui fournit également les œufs d'esturgeon. J'apprends que le caviar iranien,
dont je rapporterai deux boîtes en contrebande - car il est interdit, en 1979, à des étrangers de sortir quelque richesse nationale que ce soit (tapis, orfèvrerie, caviar) - ne date que des années 1950. Jusque-là, les Russes se réservaient l'exploitation exclusive de toute la mer Caspienne, y compris
des eaux iraniennes. L'émancipation du caviar iranien a été l'oeuvre du Shâh avec le succès des appellations Beluga et Sevruga.

Les mollahs n'ont pas apprécié que le président égyptien offre l'asile au Shâh et à sa famille. Ils rompent ipso facto les relations diplomatiques, entraînant l'arrêt de tout déplacement direct entre les deux pays. Je dois donc passer par Athènes pour rallier 
Le Caire.


Je suis logé au Manial palace, ancienne demeure princière qui fut l'objet d'une donation inaliénable (waqf). Ainsi le musée privé et les jardins ont-ils été remis d'abord à deux particuliers, puis à l'Etat au titre de résidence de luxe pour mariages et grandes réceptions et in fine au service des Antiquités.
Les cèdres, palmiers, lauriers roses forment une voûte végétale qui distribue une fraîcheur apaisante et étouffe les bruits de l'extérieur.




Le domaine, érigé

sur l'île de Rhoda, domine le Nil. Dès la grande porte franchie nous tombe dessus une chaleur sèche et poussiéreuse.




Les bureaux sont situés dans le quartier Maadi, dans la zone sud du Caire, qui regroupe la majorité des expatriés, l'école française y étant implantée.

Je m'acquitte de ma tâche en me faisant conduire au Souk Khan, au cœur de la ville fatimide, puis au marché de Sayeda Zeinab. Ils sont bien approvi-sionnés. tout est évalué avec des balances à plateau dont l'étalonnage n'a pas dû être homologué par les poids et mesures.



Vendredi, je décide d'aller visiter le musée . Il est dans le quartier Maadi, place Tharir.






Auguste Mariette et Gaston Maspero sont les fondateurs de l'égyptologie. Une rivalité majeure opposait les Français aux Anglais en termes d'exploitation des découvertes, qui atteignit son point culminant avec le pierre de Rosette découverte en 1799.

  
Gaston Maspero
Auguste Mariette
Et ce fut Jean- François Champolion qui  précéda l'Anglais Young dans le décryptage des hiéroglyphes. En initiant en 1880 l'Ecole française du Caire, Jules Ferry assied toute une lignée de conservateurs français qui veilleront jalousement
sur les trésors entreposés. Le musée est l'oeuvre de Marcel Dourgnon, sélectionné à l'issue d'un concours international.


source : les Arts décoratifs, coll. Maciet

C'est une voie royale qui devrait mener aux pyramides. Mais ce ne sont qu'infâmes immeubles lépreux, ruiniformes boutiques, panneaux rouillés et déglingués qui bordent la route. Les bas-côtés débordent d'ordures dont le vent répand les odeurs nauséabondes.

crédit photos : site Paris Tu Paris

La poussière en suspension floute les monuments qu'une lumière imprécise modèle à l'horizon. Tel un tronc de cône grisâtre apparaît le sommet de la pyramide de Khéops, la plus élevée.

Le taxi me laisse sur l'esplanade sablonneuse. Tout d'un coup, la luminosité fait resplendir les trois pyramides. Comme je le faisais lorsque j'habitais au Sahara, je noue un foulard sur le bas du visage car le vent déplace le sable par saccades.

crédit photo : on my way blog

Le plan du site permet de situer tous les monuments mis au jour y compris les mastabas, les pyramides des reines, l'emplacement des barques sacrées, le sphinx, les tombes rupestres, le quartier des artisans.
source : B&S encyclopédie


Je sacrifie à la visite de la pyramide de Khéops, dite Grande Pyramide. Les décrochements de cubes de pierre superposés alternent ombres glissantes et éclats tenaces.
Je comprends pourquoi mon guide est de petite taille et de corpulence mince : les couloirs font 1 m 50 de haut et sont très étroits. Après être passés par la grande galerie, nous atteignons la chambre funéraire. Il y règne une froideur tombale. Il n'y a qu'un sarcophage vide.



Côté sud de la pyramide de Khéops, une barque a été décou-verte. On dit qu'il s'agit d'une des cinq barques solaires de Pharaon. Il est l'instigateur de grands travaux, notamment de la construction du premier barrage sur le Nil et du creusement d'un canal parallèle pour approvisionner les chantiers des pyramides.


La barque est assemblée sous une sorte de hangar posé à même le reg.

Je me fais conduire ensuite à Saqqarah, à une trentaine de kilomètres de Gizeh. Erigée par Imhotep, elle est composée de mastabas superposées en six degrés.
 


Anouar el-Sadate offre l'asile au Shâh d'Iran et à sa famille qui séjourneront à Assouan. C'est au Maroc que l'ancien Roi apprend le retour de Khomeiny et la fin du gouvernement de Shapour Bakhtiar.



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à suivre, épisode 12 :   le cycle des possibles - Amérique latine



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