épisode 5 : le séjour de De Gaulle et la visite du site pétrolier d'Hassi-Messaoud

Au mois de mars 1957, le général De Gaulle effectue une tournée privée dans le Sahara algérien. Retiré provisoirement des affaires publiques, l'ancien et dernier président du Conseil de la IVe République se rend dans le sud saharien. Cette visite succède au périple qui l'a mené l'été précédent aux Antilles et en Polynésie française. Il arrive d'Edjeleh, proche de la frontière libyenne, où le premier gisement de pétrole algérien a été mis en production deux ans auparavant. La ville de Ouargla est en effervescence : les hôtels Transatlantique, du Sahara, Bernabé doivent loger, outre les touristes déjà présents pour leurs séjours, les journalistes envoyés par les rédactions de métropole et d'Alger ; à la poste, ma mère a dû instaurer un roulement des opératrices téléphoniques et faire installer la machine à télex ; au bled où les Châamba, qui forment une partie du peloton de méharistes, préparent la fantasia en l'honneur de leur illustre visiteur.


L'approche du cortège de gradés et d'officiels en civil provoque un brouhaha agité parmi les population. Les "le voilà !", "ils arrivent !" précèdent sa stature emphatique qui domine le groupe. Il est vêtu d'une tenue militaire simple sans aucune décoration. Seul son képi de service est orné des deux étoiles dorées de général de brigade. Les gradés qui l'entourent arborent galons et feuilles de chêne des armées de terre et de l'air.


Il passe devant nous, filles et garçons rassemblés, de son pas lent en nous toisant derrière ses lunettes de vue. J'agite frénétiquement la main en sautant sur place. Mes camarades en font de même en criant. Ce jeune charivari ne l'émeut pas, occupé qu'il est à écouter le colonel d'Arcimoles, commandant des Territoires des Oasis.

Chaque unité a formé un peloton d’une trentaine de soldats placés sous la conduite d’un gradé.


Les véhicules blindés sont alignés avec leurs servants et équipages.











C'est le détachement de la Légion qui ouvre le défilé.



Lorsque vient le tour de la CSPO, je vois s’avancer mon père, vêtu de sa vareuse blanche à épaulettes bleu ciel tombant sur son sarouel noir retenu par une ceinture brodée à pompons, insigne de la Compagnie saharienne. 



Il porte le képi également bleu ciel fiché du croissant doré surmonté d’une étoile. Il précède sa colonne de Châamba à pied tout de blanc vêtus, sarouel et djellaba, fusil sur l’épaule, cartouchière de couleur rouge croisée sur la poitrine. Une baïonnette dépasse du fourreau fiché dans la ceinture. Leur tête est ceinte du chèche blanc.





La parade militaire est accompagnée par la musique de la Légion et se clôt avec un peloton de méharistes qui, une fois passé devant la tribune, exécutera une fantasia.





Ma visite des installations pétrolières d'Hassi-Messaoud

Hassi-Messaoud  : ce nom symbolise à la fois la ténacité des géologues français et le rêve d'indépen-dance énergétique de la France.
Le site relève de la wilaya de Ouargla. Le développement des champs a propulsé Ouargla chef-lieu du département des Oasis à la place de Laghouat.


Lors d'une de ses rares permissions, mon père propose de nous amener voir le site pétrolier. Depuis la grande découverte l'année dernière, les pétroliers font beaucoup parler d'eux, particulièrement à la maison puisque c'est par la poste qu'arrive leur paie mensuelle.
Nous devons parcourir quelque 90 km dans le désert, sur un bitume chauffé à blanc : c'est la route qui mène à Fort Lallemand. 
Après environ une heure trente de trajet et deux haltes pour laisser refroidir le moteur et nous désaltérer, nous arrivons en vue des torchères dont les silhouettes tremblent sous l'effet de l'atmosphère brûlante.





Nous passons devant le panneau de bois planté en bordure de route.


crédit photo : Agence d'images de la Défense




A ce moment-là, j'ignore que c'est également en 1956 que sont mis en évidence les gisements d'Ozouri et de Pointe Clairette au Gabon. Les opportunités saisies après mes études supérieures et une fois le service militaire accompli m'amèneront à effectuer deux séjours professionnels à Port-Gentil dans les années 1980, puis de 2000 à 2004.


Nous sommes arrêtés par un militaire de la Compagnie saharienne portée de la Légion qui surveille la base industrielle.
Mon père s'étant présenté, c'est le sous-officier lui-même qui nous ouvre le chemin avec sa jeep. Nous stoppons devant un bungalow à usage de bureaux. Le chef de base en sort pour nous accueillir. Il ôte son  casque en aluminium pour saluer ma mère et la remercier de son assistance courrier. Il nous fait visiter :


"Vous vous trouvez dans la zone de la Repal. Les premiers puits ont été forés il y a deux ans, au mois de juin. Aujour-d'hui, nous avons cinq puits producteurs. Nous sommes devant MD 1 (messaoud 1), le puits de la découverte, qui est soigneusement grillagé eu égard à son importance historique. Plus loin, vous avez les puits MD2, 3, 4, 5. Nous forons à plus de 3 000 mètres de profondeur. La base abrite en permanence 1 300 employés".


Les hydrocarbures sont envoyés sur Touggourt par pipe sur 180 km puis sont transportés par wagons-citernes jusqu'à Philippeville grâce à l'élargissement de la voie ferrée. Le FLN avait promis qu'aucune goutte de pétrole n'arriverait jusqu'à la côte. Ses efforts de sabotage ont été vains. En mars 1957, le premier chargement naval arriva à la raffinerie de Martigues-Lavera. Le pétrole saharien coula en métropole.
Ce mode d'évacuation, qui n'autorisait qu'un faible débit, fut remplacé en 1959 par un oléoduc direct jusqu'à Bougie, port que l'Echo d'Alger qualifiera à la une de son édition du 6 décembre de "premier port de France".



Compte tenu de la forte dilatation due à la chaleur, il est nécessaire d'arroser régulièrement les tubes en acier pour qu'ils conservent leurs propriétés initiales. Ils sont descendus emboîtés les uns aux autres dans le sous-sol.
La production est de l'ordre de 100 000 barils/jour et de cinq millions de tonnes à l'année.










Avec la crise de Suez intervenue un peu moins d'un an auparavant (novembre 1956), les tickets de rationnement d'essence ont fait leur apparition en France. Le Ministre du Sahara Max Lejeune estime que la France peut devenir la troisième puissance énergétique mondiale.

 


à gauche, manœuvre 
sur une tête de puits

                          à droite, relevage du trépan








Le chef de base continue ses explications : "tout le monde ici souffre de la chaleur. Nous buvons en moyenne douze litres d'eau par jour. Heureusement, nous avons trouvé un puits d'eau potable. Quant au rythme de travail, les journées ont rarement une fin. Pour ce qui est des récupérations, nous rentrons en France deux semaines pour trois mois travaillés d'affilée. Ce peut être aussi quatre semaines de repos pour six mois passés ici". 

Vingt ans plus tard, au mois de février 1978, je serai embauché dans la branche Exploration-Production d'Elf. Et je repenserai fortement à cette journée d'avril qui m'avait introduit dans ce monde fascinant du pétrole par la visite du site découvert par la Repal, une des ancêtres de la future société Elf Aquitaine.




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