épisode 21 : Afrique du Sud - Franschhoek et la route des vins

"Le Coin des Français" (Franschhoek en afrikaans) relève de la municipalité de Stellenbosh, district de Cape Winelands. La route des vins est située dans une vallée riche et verdoyante dont le parcours, jalonné de propriétés viticoles, mène au mémorial des Huguenots. Ce sont les familles huguenotes calvinistes, chassées lors de la révocation de l'édit de Nantes, qui sont à l'origine de l'implantation des cépages sauvignon, cabernet-sauvignon, shiraz, merlot, chardonnay.
Pour rayonner dans le vaste périmètre, nous nous installons à Franschhoek, dans le site dit "Le quartier français". Ici, il est de bon ton de loger dans cet endroit "so french" dont le raffine-ment et l'élégance plaisent aux natifs.
Nous sommes reçus dans un joli cottage avec terrasse. Notre nationalité est un bon passeport, les régions françaises les plus connues sont la Bourgogne et le Bordelais.



Afin de visiter les lieux, nous nous procurons une carte dont l'objet est de donner davantage une vue ludique que de respecter l'échelle des distances. Le contraste avec les autres pays africains que nous connaissons tient dans les paysages verdoyants favorisés par le climat tempéré de la région du Cap.

Stellenbosch 

Notre première destination est la ville de Stellenbosch. C'est le point d'entrée de la région où est concen-tré l'essentiel du vignoble sud-africain. L'université de la ville héberge une filière réputée d’œnologie. Cependant, notre visite est motivée par l'architecture des bâtiments, du style Cap-Dutch, et par son musée qui abrite un lot de maisons du XVIIIe siècle.
Comme beaucoup de musées anglo-saxons, il relève de l'initiative privée et le prix modeste de l'entrée est compensé par les dons individuels.

Héritage des Huguenots et des protestants anglais, ces quatre demeures meublées sont représentatives de l'austérité de vie
de ces colons et de leur opiniâtreté à cultiver la vigne et les champs. L'état de conservation des pièces est remarquable, et le mobilier et les objets de la vie quotidienne mis en valeur dégagent une atmosphère de parquets qui craquent, une odeur élégante de cire, une résonance d'outre-siècle. 

1- Schreuderhuis  2- Blettermanhuis  3 - Grosvenor House  4- Maison de O.M. Bergh  5- restauration en cours.


La Maison Schreuder fut construite en 1707 pour Sebastian Schreuder, membre de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. C'est la plus ancienne des bâtisses : les ustensiles et le mobilier sont rudimentaires, le sol est en terre battue.







à gauche, une figurante en costume d'époque devant l'âtre de la cuisine.




à droite, un lit à baldaquin avec son sommier fatigué et le coffre à linge.








La Maison Bletterman est un témoignage de l'habitation d'une famille de magistrats (Hendrik Bletterman) en 1789. La façade est de style Cap-Dutch avec son pignon caractéristique et l'intérieur respire l'aisance et le luxe.



La chambre (ci-dessous) présente le lit à baldaquin et châlit de bois  avec ses courtines et ses drapés de velours. Il est considéré comme normal que les enfants dorment dans la même chambre que les parents. D'où la possibilité de clore le lit conjugal pour l'intimité.








La taille de la cheminée pose la cuisine en élément majeur de la demeure. De même que les ustensiles réunis dans l'âtre dénotent un niveau de vie élevé.

En regard figure le vaisselier dans lequel sont exposés la vais-selle et les vases en porcelaine de Chine dont les huguenots anglais étaient d'excellents fabricants. L'engouement anglo-saxon pour cette céramique orientale date de la fin du XVIIe siècle, sous l'influence de Guillaume III, époux protestant de la reine Mary.


Sur ce bahut sont posés deux porte-perruques dont l'un supporte un postiche de style catogan (du nom de Charles Slone, comte de Cadogan), c'est-à-dire se termi-nant par une queue de cheval maintenue
par un ruban.


Le Manoir Grosvenorqui date de 1803, est la demeure ancestrale de la famille Neethling. La façade s'orne d'un pilastre et de colonnes plates de style grec qui assoient la situation opulente des propriétaires. Un palmier
en plâtre, symbole de l'église de Stellenbosch, est incrusté sur le fronton
qui domine la porte d'entrée. Ce genre de décorum est rare.


L'ameublement reflète l'influence et le raffinement du goût anglais à une période où le néoclassicisme était à la mode. L'écritoire en acajou est dotée d'une plume plongée dans un encrier de verre, d'un chandelier en étain brut et d'un nécessaire à pipe en argent ciselé.










Le large couloir qui sépare les lieux de vie comprend une table à déjeuner simple pour les repas de la seule famille (au fond, près de la fenêtre au rideau bouillonnant) et une plus large (au premier plan) destinée à recevoir les grandes tablées.










Un élément meublant retient particulièrement notre attention : le piano carré surmonté d'une tenture fixée sur un panneau de bois travaillé qui forme un coffrage. Pour ajouter à sa singularité, un cartouche en bois de peuplier est encastré dans la table d'harmonie et un pédalier en forme de lyre fait office de piétement central.

Même s'il s'agit d'un musée, la cour est fréquentée par des volatiles : dindons et poules s'affairent en liberté, ne réagissant que lorsque nous empiétons sur leur garde-manger.




La Maison Bergh, propriété de Christiaan Krynauw, shérif adjoint de la ville, affiche le style victorien du milieu du XIXe siècle.



C'est la maison bourgeoise telle que les Afrikaners la concevaient à l'époque. Le parti-pris du fronton s'inspi-re des villas italiennes. L'intérieur devait rendre compte de la position sociale du propriétaire. A gauche, une vue du bureau cossu du maître de maison.
Nous découvrons une chambre d'enfant avec l'étalage de jouets en bois sur le parquet ; comme si son propriétaire était descendu goûter et allait vite remonter pour continuer à s'amuser.

Nous avons fait le tour des cinq mille mètres carrés de ce musée très prenant de par son aspect figé dans le temps et son atmosphère quiète. Nous sortons sur Drostdy road et tombons en arrêt devant l'église réformée Moedergemeente que le soleil couchant traverse. Les vitraux frappés par la lumière prennent une teinte lapis-lazuli et la façade la couleur pure du lys.




Bien après avoir quitté Stellenbosch, mon épouse est demeurée longtemps pensive. Puis elle lâchera : "Ça a agi comme un signe mais ce n'était pas une révélation.
Ce n'était pas une illusion non plus... juste quelque chose d'immatériel et de profondément vivant".

La route des vins

Principale région viticole, elle regroupe plus de 100 000 hectares de vignes et quelque 87 domaines. Les appella-tions françaises retiennent notre attention : Dieu Donné,
La Bourgogne, Mont Rochelle, La Provence, La Bri, Landau du Val, Plaisir de Merle.
Les coteaux sont plantés à perte de vue de cépages qui alignent leurs rangées symétriques.


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Nous nous engageons dans une longue allée carrossable qui mène à l'habitation et aux chais.
A l'intérieur, nous nous joignons à la visite que
la propriétaire vient juste de commencer : "... ici, 
nous pratiquons le pinotage. La technique à été inventée chez nous, à Stellenbosch. Elle consiste
à croiser du pinot noir avec du cinsault pour obtenir un rouge très moelleux qui s'exporte très bien".
Nous comprenons que le terme "pinotage" provient de l'agrégation du Pinot avec l'Hermitage, ancienne appellation du Cinsault.

Nous avons droit à la dégustation de quatre millé-
simes différents. Jolayne s'oriente vers le millésime qui offre des saveurs de cerise et de vanille - que nous partagerons avec nos amis à notre retour à Luanda.
Nous prenons la route 45 en direction de Paarl et délaissons avec regret (mais prudence) les vignobles de Val de Vie et du domaine de La Bourgogne.
En nous rapprochant de la ville qui est le berceau de la langue afrikaans, nous faisons une halte pour nous recueillir devant le seul monument au monde dédié à une langue. Sa composition affirme la place de l'afrikaans parmi les langues européennes et les langues locales Khoï, Nguni et Sotho. Les monolithes concaves, convexes et hyperboliques symbolisent à la fois le particularisme et l'osmose des peuples dans un pays uni grâce à ses racines vivaces. La colonne la plus élevée représente la croissance de l'afrikaans. Deux citations sont gravée sur la plaque à l'entrée dont celle-ci : "L'afrikaans est la langue qui relie l'Europe de l'ouest à l'Afrique. Elle forme un pont entre la grandeur de la civilisation occidentale et la magie de l'Afrique".
Nous atteignons Paarl dans un flot de circulation intense et nous emprun-tons l'artère principale (Main street) sans nous douter qu'elle est longue de... 12 kilomètres. Donc nous cherchons un stationnement afin de pouvoir visiter la fameuse coopérative KWV Emporium - Kooperatieve Wijnbouwers Vereeniging - qui est le plus grand cellier au monde. Sur le plan distrayant que nous retirons au point d'information touristique, Kholer Street semble proche du parking où nous laissons la voiture
moyennant quelques rands. Au bout de vingt minutes de marche, qui nous permettent de découvrir des maisons typiques, nous devons rebrousser chemin pour reprendre la voiture : le Cellier cathédrale est encore à plusieurs kilomè-tres.
Cette fois, nous y sommes. La cave de KWV wine est majestueuse dans ses dimensions et hauteur. Une trentaine de barriques de plus de 3 mètres de diamètre sont impeccablement alignées, posées sur leur coque cerclée.


Leurs frontons sont sculptés de scènes et de textes qui retracent l'histoire de la création des domaines et des vins et décrivent certains procédés de fabrication.

La lumière parvient par une extrémité semi-sphérique de la pièce constituée de carreaux translucides encastrés dans des montants en bois. Dans une salle adjacente sont stockés les cinq plus grands foudres existants dont le plus ancien date de 1580. Lorsque ce dernier fut achevé, un banquet a réuni la centaine d'ouvriers qui l'avaient cons-truit. A l'issue des deux heures de visite - et de quelques dégustations appropriées -, nous sortons déjeuner dans un bistrot que nous appelons chez nous un snack, en bon français.


En revenant vers l'aire de stationnement, nous passons devant des habitations caractéris-tiques de l'architecture Cap-Dutch du XVIIIe siècle. Elles sont identifiées par deux macarons officiels apposés à l'entrée.
Nous visitons le musée Oude Pastorie installé dans l'ancien presbytère de la ville. Il offre une belle collection de meubles de style hollandais du Cap, d'objets et ustensiles anciens en argent, en cuivre et en bronze

Nous rentrons à Franschhoek à la nuit tombée : demain, visite du monument en hommage aux Huguenots et à leur influence culturelle majeure.


Mémorial aux Huguenots

Inauguré en 1945, ce mémorial est composé de trois arches qui symbolisent la Sainte Trinité surmontées par le soleil de la justice et la croix chrétienne. L'allégorie personnifiée par une femme figure la liberté religieuse. Bible dans une main, chaîne brisée dans l'autre, elle se dévêt du manteau de l'oppression.




retour à l'épisode précédent :  Afrique du Sud - la province du Cap

à suivre, épisode 22 : Afrique du Sud - Garden route de Swellendam à Plettenberg bay



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