épisode 18 : Angola - l'ambiance basque

Jeudi 28 mai 1997, j'accueille le groupe basque Ontuak dans notre enceinte d'Impala-Palanca. Il vient grâce à l'initiative de Dominique qui a ses entrées dans cette pena bayonnaise. Ils sont seize chanteurs-musiciens-anciens joueurs de rugby qui débarquent du minibus qui les a conduits directement de l'aéroport 4 de Fevereiro à nos immeubles.
Propulsés à la fois par l'aventure et la générosité (la soute de l'avion
a transporté vingt volumineux cartons remplis de vêtements, de cahiers et de fournitures scolaires, et de produits pharmaceutiques exceptionnellement autorisés à entrer en douane), ils sont réunis dans le bar de la résidence. J'y vais de mon discours de bienvenue... et de précaution : "Le pays est toujours en guerre même si vous avez pu voir, sur votre chemin depuis l'aéroport, une activité relativement normale. Sachez que vous avez bénéficié de facilités lors du passage en douane, d'un trajet routier sécurisé et d'un protocole d'accueil particulier. Cela pour vous dire que votre hébergement est assuré au sein de nos immeubles afin d'éviter toute dispersion en ville. Des familles se sont portées volontaires pour vous loger soit par deux, soit en solo selon les disponibilités".

Le métissage basco-angolais

Parmi la délégation, je retrouve deux incontour-nables des fêtes de Bayonne : Jean-Marie "Achille", souletin fondateur de débits de boisson ayant ballons sur rue, et Jacques "Ramina" du fameux Chai dont le local tout en longueur étale fanions, trophées, foulards, mascottes, affiches, macarons et breloques en tous genres témoins de son universalité sportive et ultra festive.
Le lendemain, ils embarquent dans la camionnette - dont le vrombissement et le klaxon font écho à l'une de leurs chansons -, direction le dispensaire tenu par les sœurs carmélites de Luanda. Ils y rencontrent sœur Dominique, originaire d'Haspar-ren, qui veille sur la communauté depuis 37 ans. La délégation est composée de Hervé "Fifi" Filatriau, Jean-Marie "Achille" Venmans, Panpi Iraola, Lino Martiquet, Gorka Robles, Jacques "Ramina" Gardet, Christophe de la Rosa, Claude Cellan, Alain Mendiboure, Kixu Daubas, Jean Safon, Francis Hervieu, Daniel Aragon, Gérard Sanchez, Serge Couchot, Vincent Rouet.


La romeria du soir commence par un moment privilégié de remise de la tenue typique du garçon de café parisien au barman local. Cette attention provoque une énorme émotion de la part du récipiendaire et les applaudissements unanimes des résidents. Lorsqu'il recevra l'impeccable chemise blanche, le tablier noué devant par ses deux lies, le gilet pourvu des trois poches à monnaie, à tire-bouchon et décapsuleur, et fourre-tout, notre barman aura ce rire franc qui dit à la fois sa surprise, sa joie, son incrédulité.

Le groupe s'installe dans le patio, face aux tables montées sur tréteaux où les résidents ont pris place.
Sous la férule de quelques épouses du Sud-Ouest, le repas est composé de tapas à la morue, anchois, tortilla, de piperade avec jambon (lequel a voyagé depuis Bayonne), de thon pêché sur place, d'ardi gasna (fromage de brebis), de gâteaux basques faits maison. 

Quelqu'un dans l'assistance n'hésite pas à proposer que la fête basque soit inscrite au patrimoine immatériel et sensoriel de l'humanité ! Un ami d'origine italienne (assis juste derrière moi) me confie tout sourire : "Peu importe si je ne comprends pas, chacun se sent un peu basque ce soir".


C'est aussi pour ça que j'appré-cierai toujours nos séjours à l'étranger : la grâce du partage, l'allégresse communicative de la musique, 
l'alliance des langues.



Vendredi soir, spectacle unique dans le théâtre Elinga, lieu  emblématique de la culture angolaise qui fut au XIXe siècle une école créée par les Portugais et dont certains élèves sont devenus des figures de la lutte pour l'indépendance. Nous étions allés écouter Cesaria Evora sur cette même scène et avions pu ensuite partager un fabuleux moment musical privé lors du souper qui avait suivi.

Ce soir, c'est l'ambiance basque qui séduit : le théâtre est comble, toute la gentry angolaise est présente, ma présentation en portugais un peu vacillante, l'accueil enthousiaste. Ontuak dynamite l'assistance avec son répertoire qui suscite d'abord
la curiosité, puis l'entrain et l'adhésion bruyante. Trois rappels dithyrambiques laissent la salle debout et flapis nos gars pourtant habitués des prestations effrénées.
Le samedi est consacré à la soirée organisée par l'Association des Français d'Angola (AFA) dont mon épouse assure également le secrétariat. Sont conviés le gotha des communautés expatriées, les associations humanitaires, les congrégations religieuses, les membres bienfaiteurs. Et sœur Domini-que nous gratifiera d'un fandango endiablé, emportée par une musique demeurée certainement sous séquestre votif.

Les parties de pelote

Dans l'épisode 16, j'ai décrit l'emplacement et la configuration du fronton. Bien sûr, il ne peut pas être homologué avec sa hauteur et sa cancha (aire de jeu au sol) limitées. En fait, s'il avait été pourvu d'un toit,
il aurait pu passer pour un mini trinquet suite à l'installation d'une paroi de verre en fond, juste devant les gradins. Toutes proportions et modestie budgétaire gardées, j'ai fait procéder à ce type d'aménagement deux ans avant que le Trinquet Moderne de Bayonne ne soit muni, lui, de trois immenses parois de verre adaptées 
à sa dimension.
Ceci constitue bien entendu un clin d’œil à cette superbe place de pelote à main nue managée d'une main - si je puis dire - ferme et professionnelle par Jean-Marie Mailharro à Bayonne.
Nous organisons deux tournois de pala par an : un en automne, qui permet aux nouveaux et nouvelles arrivant(e)s de se familiariser avec le jeu et la cancha, l'autre au printemps qui acte ou confirme les classements dans les catégories (première série, deuxième série, débutants). 
Les parties 
opposent à chaque fois hommes
et ados en tête-à-tête et en équipe de deux, femmes en tête-à-tête et en équipe de deux, et des équipes mixtes. J'introduis le rite d'inscrip-tion des noms des vainqueurs sur le fronton miniature fabriqué et décoré à cet effet. Durant l'année, les pelotaris s'entraînent les soirs et disputent des parties en se lan-çant des défis. Ainsi, lorsqu'un joueur veut améliorer son classement, il défie son adversaire immédiatement classé avant lui. S'il gagne, les positions sont inversées.


Le résultat influe sur la constitution des poules pour les tournois. L'arbitrage est effectué par deux juges-arbitres désignés pour la durée de la compé-tition. Les parties éliminatoires se déroulent dans une énorme ambiance qui anime la concession jusque tard dans la nuit. Tamtam, sifflets à roulette, crécelles ponctuent chaque point marqué, chaque égalisation. Les encouragements portent sur les moins bien classés tandis que chaque finale voit les supporteurs divisés en deux camps passionnés.

  







La remise des prix donne lieu à une cérémonie au cours de laquelle les vainqueurs dans chaque catégorie se voient remettre leur trophée. S'ensuit une soirée apéro-tapas entièrement préparée par les résidents dans la
salle de détente au décor vert et rouge.

Pour la postérité, le directeur général (au centre) inaugure officiellement la paroi de verre du fronton.
Cette installation sert d'aire de respiration bienvenue pour que les pratiquant(e)s puissent évacuer les conditions des déplacements à risque et les tensions de la vie en communauté resserrée.
Bien qu'étant ouverte à tous, la pratique de la pelote ne séduit pas vraiment les Angolais qui sont presque tous et toutes exclusive-ment fans de futebol. Lorsque l'année suivante, le 12 juillet 1998, la France battra le Brésil en finale de la coupe du monde, je sidérerai mes collègues de travail en dévoilant le lundi matin le score préalablement déposé dans un tiroir du bureau le vendredi précédent la rencontre : France 3 - Brésil 1. Je n'avais pas prévu le forfait de Ronaldo à la dernière minute !
En l'honneur de la victoire, le lundi 14 juillet sera déclaré chômé par le directeur général pour tous les personnels de la filiale.






retour à l'épisode précédent :  épisode 17 : Angola - la vie s'organise

à suivre, épisode 19 : le séjour au Zimbabwe



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Commentaires

  1. Luanda, très belle période de notre vie. Un bonheur de revoir ces visages que nous n'avons pas oubliés. Magnifique pays. Super expat malgré les conditions. Merci pour les souvenirs.

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