Sous les drapeaux

La préparation militaire

Mon père parle d'héritage militaire lorsque je l'informe de mon désir de postuler à la prépa-ration militaire supérieure et de faire mon service dans une unité parachutiste. Moi, j'ai seulement envie de rendre cette période utile. Autant que ce soit nouveau, instructif et profitable.



Du 30 août au 12 septembre 1971, je séjourne à l'Ecole des Troupes aéroportées de Pau.  La route qui nous mène à la Base longe la zone où un Noratlas s'est écrasé le 30 juillet :

A LA MEMOIRE DE NOS 23 CAMARADES, DE NOS 11 INSTRUCTEURS ET DES 3 MEMBRES D'EQUIPAGE DU NORATLAS QUI LES TRANSPORTAIT, TOMBES EN CES LIEUX EN SERVICE COMMANDE
LE 30 JUILLET 1971 A 14 H 30.


Je
sais que c'est en sautant de ce type d'avion que je serai breveté et je ne suis pas fier. Comme dit la prière des paras que l'on apprend le premier jour, "Je ne Vous demande pas le repos, ni la tranquillité, ni celle de l'âme, ni celle du corps". Suivie de cette affirmation du s/officier instructeur : "votre instruction a pour but de vous donner tous les comportements et réflexes indispensables à votre survie."

crédit photo : Jacky

C'est muni de ce viatique réconfortant que j'aborde la période d'entraînement.










Simulation d'arrivée au sol depuis la tour



opérations de pliage et de séchage des parachutes
crédit photo : Chemin de mémoire


Afin de nous confronter à la réalité, on nous emmène assister au pliage des parachutes. Ce sont des appelés qui opèrent dans l'immense hangar de la SEPP (section d'entretien et de pliage des parachutes). Le pliage doit être effectué en 35 mn maxi. A la fin de l'opération, le plieur insère la fiche individuelle qui comporte la date, le numéro de poste, son identité.  
                                                                                       


Au bout de huit jours d'entraînement intensif, nous allons enfin sauter : montée dans les bus direction la zone de rassemblement, perception des para-chutes, alignement des faisceaux, équipement, vérification, embarquement.






Dans la carlingue, le chef-largueur 
crédit photo : Jacky
nous fait signe d'accrocher la SOA (sangle d'ouverture automatique). Le stick se met debout et se resserre pour enchaîner les sorties. Pouce levé du chef-largueur, la lumière passe du rouge au vert, la sonne-rie stridente donne le signal du saut : GO... GO... GO. Je prends la gifle à la sortie de la porte, je pars jambes en avant dos à l'horizontale, j'encaisse la secousse violente lorsque la sangle délivre le parachute, balancements, stabilisation... quand il n'y a pas de vent. Vérifications de la voilure, regard alentour et vers le bas pour se positionner par rapport aux autres afin d'éviter un télescopage ou de perdre la portance quand on se trouve juste au-dessus d'un camarade.






Je profite de quelques secondes d'apesanteur, j'entends seulement le sifflement du vent dans la voilure. Je me prépare à toucher le sol. Contact rude, petit roulé-boulé, vite me relever pour rassembler et rouler la toile, enrouler les suspentes. Pur moment d'exultation. Après le vacarme dans la carlingue, la sonnerie, l'impact dans le ciel, j'éprouve un sentiment d'apaise-ment. Pendant que je replie le tout, je lève la tête pour regarder les autres et visualiser comment je suis sorti.




Demain, c'est le saut avec déploiement du parachute ventral. Au moment de son ouverture, il s'agit d'éviter de se prendre les suspentes sur la figure ou qu'il s'entortille autour du parachute principal ouvert.


Sinon, c'est la torche et des dégâts sérieux à l'arrivée.



J'ai effectué quatre sauts, je suis breveté prémilitaire.  Lors de mon incorporation, je pourrai choisir mon affectation et, élément non négligeable, percevoir la solde de l'air dès mon incorporation.



Le service militaire

Je résilie mon sursis un peu avant la fin des examens afin d'être sûr d'être incorporé le plus rapidement possible, déjà que je vais perdre une année pour entrer dans la vie active par rapport aux gars qui seront exemptés (et aux filles).
Je suis de la classe 08/1976 (et j'obtiens la maîtrise en sciences de gestion après mon oral de septembre). Mon livre relate les conditions dans lesquelles l'oral d'histoire économique s'est passé avec un professeur suffisant, irascible et injuste.

1er août : arrivée au camp Astra, siège de l'Ecole des Troupes Aéroportée de Pau (ETAP). Même si je suis breveté prémilitaire, mon parcours est identique à celui de mes collègues - sauf que j'ai déjà quatre sauts à mon actif.


Nous sommes une poignée de sursitaires étudiants et les relations avec le sergent de compagnie ne seront pas faciles. D'autant qu'il nous rend responsables des événements de mai 68 et d'avoir bien participé à la chienlit. On me remet l'insigne de l'unité et le béret rouge frappé de l'insigne des paras.










Pendant les deux mois de classes, nous sommes initiés à la marche TAP (course en temps limité en tenue de combat et sac chargé), au maniement d'arme, aux parachutages, aux manœuvres. Cette fois, les sauts se font du Transall C-160. Sa capacité de transport est de 87 parachutistes.


source : Chemin de mémoire des parachutistes

L'insonorisation est meilleure que dans le Noratlas grâce au capiton qui couvre la carlingue. La vitesse est plus élevée et le rythme de largage  par les deux portes latérales fait qu'un homme sort toutes les secondes, ce qui représente un écart de 25 mètres à l'ouverture (contre 50 m pour le Noratlas). Le risque de télescopage est plus fréquent. 










J'obtiens le brevet parachutiste à la suite du saut de campagne sur les hauteurs de Lacommande (Pyré-nées- Atlantiques). La journée du 2 septembre 1976 est particulièrement grise et pluvieuse. Dommage car le panorama des Pyrénées, même vu de façon fugace le temps de la chute, est superbe.  Après une nuit de crapahutage, nous atteignons le village de Laroin. Débarbouillage et rasage à l'eau glacée de la fontaine, cirage des Rangers et perception du treillis neuf pour recevoir le brevet. 
         













Le colonel, commandant de la Base, est présent avec ses officiers supérieurs. Il m'épingle le brevet parachutiste n° 389617 à droite
sur la poitrine.




Une fois la période des classes terminée, je suis affecté à l'état-major avec double emploi : estafette
et conducteur machine offset. J'ai l'occasion de passer le permis moto de plus de 750 cm3. Pour les tournées de courrier, on m'attribuera une 600 cm3 Honda toute neuve alors que l'instruction s'est faite
sur une vielle Peugeot avec levier de vitesse fixé sur le réservoir. Pour l'imprimerie, la machine est une Heidelberg de toute dernière génération.  
L'adjudant-chef du Service est aussi le patron des chuteurs opérationnels. Il me permettra de compléter les avions lors des exercices de saut, ce qui m'amènera à sauter avec des soldats de la Légion, du 1er Rpima de Bayonne, avec les commandos marine.





En tenue de sortie : pendant les permissions, et pour la durée des classes, nous devons porter l'uniforme de sortie. Le repassage réglementaire de la chemise est un véritable exercice de style. Je
passe soldat de 1re classe. Ce n'est pas un grade mais une distinction. La seule autre distinction est celle de... maréchal de France.




Le réveil en plein milieu de la nuit est brutal : saut de manœuvre. Habillement et perception de l'équipement au trot accéléré. Je vais
sauter avec la mitrailleuse AA-52 (poids avec bi-pied : 11 kilos,
dimension : 1 m 08). L'arme, fixée à la jambe, dépasse de sa gaine
avec le filin que je libérerai une fois le parachute ouvert et au dernier moment. Il ne s'agit pas que ce largage constitue un danger pour les copains qui sautent avec moi, soit en s'emmêlant dans les drisses en vol, soit carrément en leur tombant sur la tête une fois au sol.

La pluie tombe à verse, les rafales de vent balaient des paquets d'eau. Dans le barda, le poncho-tente, le sac de couchage et des rations pour trois jours de campagne.



Tentative de maîtrise de la voilure à l'atterrissage
crédit photo : Jean Le Francilien








Pause du commando en manœuvre 

avec mes amis Michel (à gauche) et Christian (devant).

Je quitte l'ETAP le 29 juillet 1977.


L'ouvrage est disponible
- sur les plateformes de Gallimard, la librairie Eyrolles, la Fureur de lire, la Place des libraires,
- sur les plateformes de commande Amazon, fnac, Cultura Leclerc

Commentaires